2013-2014

Rapport annuel

AVRIL 2013 À MARS 2014

01/Introduction

“La capacité de l’appareil judiciaire canadien de fonctionner efficacement et d’offrir le genre de justice dont les Canadiens et Canadiennes ont besoin et qu’ils méritent repose en grande partie sur les normes déontologiques de nos juges”.

La très honorable Beverley McLachlin
Principes de déontologie judiciaire
Conseil canadien de la magistrature

Le respect du public pour la primauté du droit dépend largement de la confiance qu'il détient dans ses juges. Les Canadiens s'attendent à ce que leurs juges soient compétents, équitables, courtois et efficaces. Toutes allégations d'inconduite judiciaire doivent être traitées de façon juste et transparente. Il s'agit d'un mandat essentiel du Conseil canadien de la magistrature.

02/Examen de la conduite

Le Conseil prend l’examen des plaintes concernant la conduite des juges très au sérieux. À bien des égards, cet examen constitue l’un des principaux éléments de notre mandat de base.

Bien que le travail du Conseil en matière de conduite des juges soit encadré par des procédures et un règlement administratif bien définis, le Conseil est d’avis qu’une mise à jour de ces documents s’impose. En tant que présidente du Conseil, la très honorable Beverley McLachlin a déclaré en mars que « le Conseil canadien de la magistrature joue un rôle fondamental pour assurer que les juges maintiennent les normes les plus élevées de conduite, ce qui est essentiel au maintien de la primauté du droit et à la confiance du public dans l’administration de la justice ». En mars 2014, le Conseil a lancé une consultation publique sur le Web afin d’obtenir les commentaires de la population canadienne au sujet du processus d’examen des plaintes concernant des juges de nomination fédérale. Le présent examen a été mené afin de s’assurer que le Conseil demeure sensible aux attentes du public en matière d’équité, d’efficacité et de transparence du processus. La consultation visait à obtenir de la rétroaction sur tous les aspects du processus, depuis l’examen préalable des plaintes au plan administratif jusqu’à l’étape du comité d’enquête publique. Toutes les personnes intéressées ont été invitées à donner leur avis au moyen du site Web de consultation. De plus, le Conseil a affiché sur son site Web un document de travail détaillé qui précise le contexte constitutionnel et juridique dans lequel se déroule le processus d’examen de la conduite des juges. Le Conseil espère publier la version révisée de ses procédures dans un futur proche. Nous remercions tous les participants qui ont pris le temps de contribuer à cette importante initiative.

Entre mars et juillet, près de 200 individus ont visité le document de consultation sur le site Web du Conseil afin de soumettre leurs opinions. Ceux-ci représentent des milieux variés (des avocats à la retraite par exemple, un bibliothécaire, des universitaires, des plaideurs mécontents, des étudiants) et la grande majorité a fourni des soumissions réfléchies et détaillées. Toutes les soumissions ont fait l'objet d’une lecture attentive et nous ont aidés à identifier les points clés suivants:

  1. Une plus grande transparence est nécessaire (sur le processus et sur le nombre de plaintes, ainsi que leur sujet)
  2. La participation de non-juristes est importante
  3. Le processus de dépistage devrait être plus efficace
  4. Dans l'ensemble, il devrait y avoir moins d'étapes dans le processus
  5. Les plaignants n'auraient pas à intervenir devant un comité d’enquête
  6. Un avocat présentant l'affaire à un comité d'enquête devrait jouer un rôle actif pour tenter de prouver l'inconduite de la part d'un juge
  7. Il devrait y avoir un mécanisme interne de contrôle pour certaines étapes

03/Rapport sur les plaintes

Nombre de plaintes reportées de l’année fiscale précédente :

42

Nombre de plaintes ouvertes en 2013-14 :

159

Nombre total de plaintes :

201

Nombre de dossiers de plainte fermés en 2013-14 :

138

Nombre de dossiers encore ouverts en date du 31 mars 2014 :

63

Nombre total de correspondances reçues :

555

Nombre de lettres de mandat :

222

Nombre de plaintes désignées irrationnelles :

19

Nombre de lettres qui ne nécessitent aucune réponse :

108

04/Exemple de plaintes reçues et traitées par le Conseil

-1-

Au début de l’exercice 2013-2014, le Conseil a été saisi d’une plainte déposée par un organisme représentant des collectivités des Premières Nations. Les membres de cet organisme nous ont dit avoir été témoins d’une procédure judiciaire potentiellement explosive à laquelle ont assisté plusieurs membres d’une collectivité des Premières Nations. En tant qu’observateurs, les membres de l’organisme ont écrit au Conseil pour se plaindre du fait que, selon eux, le juge en chef « interrompait constamment » l’avocat de la défense pendant sa présentation et que lorsque des personnes de la tribune ont commencé à exprimer leur malaise à l’égard de ces interruptions, le juge en chef qui présidait l’audience aurait dit [traduction] “... si vous m’interrompez, vous allez sortir de cette cour assez vite que vous en aurez le vertige » et aurait ajouté [traduction] « si vous ne comprenez pas ça, levez la main et je vous l’expliquerai encore une fois ». Ces commentaires ont été particulièrement mal reçus par des membres autochtones du public pour qui ces remarques leur rappelaient l’intimidation et la violence verbale dont ils ont été victimes lorsqu’ils étaient enfants et résidaient dans des pensionnats. Le plaignant a soutenu s’être senti menacé, déprécié et mal à l’aise en raison du contexte hostile et que les commentaires du juge en chef présidant l’audience témoignaient d’une profonde ignorance des terribles séquelles que continuent de ressentir chaque jour de nombreux Autochtones ayant survécu aux pensionnats. Dans le cadre de son examen de la plainte, le vice-président du Comité sur la conduite des juges a demandé au juge de commenter les événements. Il a déclaré que ses interactions avec l’avocat faisaient partie du processus rigoureux et direct des débats et des échanges qui permettent d’apprécier pleinement les arguments présentés. Toutefois, il a également reconnu que, pendant ces échanges avec le conseil, certains membres de la tribune ont commencé à manifester de la frustration et de l’impatience qui ont pris de l’ampleur et se sont manifestées par des réactions dérangeantes, comme des hochements de tête, des conversations entre membres de la tribune, des murmures et des grognements. Même si, dès le début de l’audience, le juge en chef a indiqué qu’il ne tolérerait aucune interruption provenant de la tribune bondée et visiblement mobilisée, il a senti le besoin d’intervenir à nouveau pour reprendre le contrôle de la salle d’audience en raison du malaise grandissant. Il affirme qu’il aurait donné le même genre d’avertissement dans toute autre situation où sa cour serait dérangée et où il ne pourrait pas comprendre pleinement les questions qui seraient présentées. Il rejette l’allégation selon laquelle ses commentaires peuvent avoir été motivés par des préjugés et indique qu’il s’agit tout simplement d’une mauvaise interprétation de la part du plaignant. Toutefois, le juge en chef visé par la plainte soutient également qu’au cours de ses 15 années à la magistrature il s’est toujours efforcé de respecter et de valider l’histoire, la dignité et le statut des citoyens des Premières Nations et de s’y montrer sensible, qu’il n’a jamais voulu émettre, que ce soit directement ou indirectement, de commentaires insensibles, et qu’il regrette que ses commentaires aient amené le plaignant à revivre une expérience douloureuse.

En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le juge a constamment interrompu l’avocat de la défense, ce qui pouvait donner l’impression qu’il n’était pas réceptif aux arguments avancés, le vice-président du Comité sur la conduite des juges qui a examiné l’affaire a accepté les commentaires du juge en chef selon lesquels une partie de son travail consiste à comprendre les questions en litige et a indiqué au plaignant que, dans toute procédure judiciaire, l’interrogatoire des avocats ne se fait pas nécessairement de manière égale et dépend de la nature des arguments juridiques avancés.

Quant aux termes et au ton employés par le juge présidant l’audience pour reprendre le contrôle, le vice-président a reconnu que les juges doivent éviter les commentaires, expressions, gestes ou comportements qui peuvent être interprétés comme étant un manque de sensibilité ou de respect. Toutefois, il accepte également le fait qu’un juge doive maintenir l’ordre et un décorum approprié dans la salle d’audience. Il faut maintenir le fragile équilibre entre ces deux aspects. En l’espèce, le vice-président a reconnu que la réaction du juge à la situation a été excessive et que son ton dépassait ce qui était nécessaire ou souhaitable. Cette évaluation a été partagée par le juge. Étant donné que le juge a pleinement tenu compte de la plainte, et vu les excuses du juge malgré le fait que les commentaires en cause ne visaient pas à causer du tort, le vice-président a estimé qu’il s’agissait d’un incident isolé qui n’était pas de nature à justifier la prise d’une autre mesure par le Conseil. Le Conseil a informé le plaignant de cette décision et l’a remercié sincèrement de son effort louable visant à sensibiliser les juges à l’incidence que peuvent avoir leurs interventions sur les observateurs présents dans la salle d’audience.

-2-

Le Conseil a reçu une lettre d’une personne qui est atteinte du syndrome d’Asperger et qui croit que le juge a agi de manière discriminatoire envers elle en divulguant son diagnostic devant le tribunal. Plus particulièrement, le plaignant soutient que lorsqu’il a désigné la partie adverse par le pronom « elle » au lieu d’utiliser son nom, le juge a réagi sur un ton condescendant et a insisté pour que le plaignant s’adresse à l’intimée en utilisant son nom devant le tribunal. Le plaignant a estimé que c’était déraisonnable et indique qu’il ne voyait rien de mal à utiliser un pronom personnel au lieu du nom de la personne. Cette décision « arbitraire et inutile » a été perçue par le plaignant comme un acte discriminatoire fondé sur son invalidité. Le plaignant a également écrit au ministre de la Justice pour lui demander de consacrer des ressources additionnelles à la prestation de séances de sensibilisation à l’invalidité aux juges de nomination fédérale en soulignant que de nombreux juges en poste sont peu sensibilisés aux déficiences mentales et ne savent pas comment traiter avec les parties qui présentent des différences résultant d’un handicap.

Dans le cadre de son examen de la plainte, le vice-président du Comité sur la conduite des juges reconnaît que tous les juges sont tenus de conserver le contrôle des procédures judiciaires et de s’assurer que les participants respectent la procédure du tribunal et le décorum. Le vice-président a conclu que le fait d’exiger d’une personne qu’elle s’adresse à une autre personne devant la cour par son nom ne peut être considéré comme étant un acte discriminatoire comme le prétend le plaignant. Il a ajouté que le recours à des manières appropriées pour s’adresser aux parties joue un rôle essentiel pour s’assurer que toutes les parties sont traitées avec respect pendant les procédures judiciaires. Par conséquent, il a été déterminé que la plainte était sans fondement.

Le Conseil a aussi répondu à la lettre que le plaignant a adressée au ministre quant à sa suggestion d’accroître la formation professionnelle des juges sur les questions d’invalidité. Le Conseil a répondu à cette suggestion en soulignant que la formation professionnelle permanente des juges est un volet important du maintien de normes de compétence élevées de la magistrature et que les Lignes directrices sur la formation de la magistrature du Conseil encouragent les juges à suivre des programmes de formation, jusqu’à concurrence de 10 jours par année (périodes additionnelles pour les nouveaux juges). Certains programmes de formation suivis par les juges sont donnés par l’Institut national de la magistrature qui offre une gamme de cours visant à sensibiliser les juges au contexte social en constante évolution auxquels ils seront confrontés dans la salle d’audience, notamment les questions d’invalidité.

Les juges disposent de documents de référence pour les aider à améliorer l’accès à la justice pour les personnes ayant un handicap physique, mental ou cognitif, et tous les nouveaux juges reçoivent une formation de sensibilisation à l’invalidité offerte par des experts en la matière. Le Conseil convient que les programmes éducatifs visent à donner aux juges les connaissances et les outils nécessaires pour qu’ils exercent leurs fonctions en tenant bien compte de toutes les personnes, y compris celles qui vivent avec un handicap

-3-

Cette année, le Conseil a été saisi d’une plainte plutôt inusitée portant sur la signature d’un juge qui, de toute évidence, a été contrefaite sur un faux document et qui a mené au dépôt d’accusations criminelles. Essentiellement, un agent immobilier et un parajuriste ont intenté une poursuite civile contre plusieurs parties à la suite de l’échec d’une transaction immobilière. Ils ont présenté à un juge une requête ex parte. Peu de temps après, les plaignants indiquent que le juge a accordé la requête et a signé son jugement, dans lequel il leur accordait des dommages-intérêts pécuniaires. Plus tard au cours de la procédure judiciaire, l’avocat de la partie adverse en est arrivé à la conclusion que le jugement semblait avoir été falsifié. Après avoir été informé de la situation, le juge a ajourné l’affaire et a donné à toutes les parties l’occasion de corriger toute incohérence dans la procédure. Lorsque les parties se sont présentées à nouveau devant le juge, celui- ci a convenu que sa signature avait été falsifiée, a déclaré qu’il s’agissait d’une atteinte à l’administration de la justice, a invalidé son jugement falsifié et a accordé les dépens aux défendeurs. Puis, le juge a déposé une plainte auprès du Barreau et du conseil immobilier. Lors d’un échange avec le Law Times, le juge a discuté de la gravité de cette affaire. Ce sont les réactions du juge à la falsification de sa signature qui ont amené les plaignants à écrire au Conseil. Dans leur plainte, ils indiquent qu’ils sont d’avis que c’est le juge qui avait appelé le Law Times afin de leur faire honte, de les humilier et de les embarrasser publiquement pour avoir fait usage de faux documents. En outre, ils reprochaient au juge d’avoir porté plainte contre eux auprès du comité de discipline de leur association professionnelle respective.

Bien que les plaignants aient nié avoir contrefait la signature du juge, il est évident que le juge en est arrivé, à l’égard de ce point, à une détermination de faits réfléchie fondée sur un examen attentif de la preuve. Dans son examen de la plainte, le vice-président a expliqué que son rôle n’était pas de réviser la décision du juge relativement à la contrefaçon. Toutefois, le vice-président a convenu qu’une conclusion relative à un acte aussi grave justifierait une forte réaction de la part de n’importe quel juge et l’obligerait également à en informer les organismes de réglementation intéressés. Par conséquent, le renvoi des affaires par le juge au Barreau et au conseil immobilier a été jugé à la fois approprié et nécessaire. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le juge a tenté de faire honte, d’humilier et d’embarrasser publiquement les plaignants en communiquant avec le Law Times, le vice-président a déterminé que les décisions judiciaires sont des documents publics pouvant être lus par tous et faire l’objet de comptes rendus. Le fait que la décision du juge concernant la contrefaçon ait fait l’objet d’un compte rendu n’est pas une question d’inconduite, peu importe la façon dont les médias ont été mis au courant de la décision.

-4-

Le chef régional d’une collectivité des Premières Nations de l’Ontario a porté plainte devant le Conseil relativement aux observations prononcées par un juge (et rapportées par les médias) qui, selon lui, sont inappropriées, incendiaires, inutiles et provocatrices. Le plaignant a fait valoir que les commentaires du juge ont contribué au « débat dégradant » qui entoure les Autochtones du Canada.

Voici le contexte. Le juge visé par cette plainte a été saisi d’une demande d’injonction présentée par une entreprise minière afin que soient retirées certaines personnes (de descendance autochtone) d’un barrage routier qui a été établi pour contester les activités de la mine. Dans son examen de la demande d’injonction, le juge a souligné qu’il ne s’agissait pas d’une contestation fondée sur une question autochtone ou constitutionnelle, comme il l’avait confirmé au chef de la localité et au conseil de l’APN. Au contraire, il est apparu évident qu’il s’agissait d’une mesure non organisée prise par quelques personnes mécontentes de certains aspects contractuels qu’ils avaient déjà acceptés. Le juge a entendu un certain nombre de parties à diverses occasions avant d’accepter d’accorder l’injonction pour interdire le barrage routier. Plusieurs jours après l’ordonnance, le juge souligne qu’il a été heureux d’entendre que les parties avaient accepté de démanteler le barrage routier sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir la police ou que soient prises d’autres mesures pouvant aggraver la situation.

Les médias ont couvert les procédures pendant toute leur durée, et ont même reproduit certaines observations du juge portant sur sa conclusion selon laquelle le barrage routier n’était pas une manifestation autorisée par la collectivité des Premières Nations des environs. Ses conclusions, qui ont été corroborées par des dirigeants de la collectivité, l’ont amené à déclarer que la manifestation était fondée sur des « intérêts financiers privés », qu’il s’agissait de quelques personnes « tenant en otage une grande société multinationale », que ça sentait la « coercition » et l’« extorsion » et qu’il prendrait des mesures pour aider la police à faire respecter l’injonction et s’efforcerait de ne pas succomber à la « timidité » démontrée à Caledonia.

Même si le plaignant n’était pas présent dans la salle d’audience pendant les procédures, il a lu les articles dans les médias qui l’ont incité à écrire au Conseil. Dans l’examen de cette plainte, le président du Comité sur la conduite des juges a demandé les commentaires du juge ainsi que les transcriptions et les enregistrements sonores. Dans ses commentaires, le juge s’oppose catégoriquement à l’interprétation de ses commentaires concernant les Autochtones et laisse entendre qu’elle est injuste et non fondée. Il affirme qu’en s’appuyant sur des ouï-dire et des reportages médiatiques décousus, le plaignant en est arrivé à une conclusion injustifiée. En formulant ses commentaires, le juge a voulu faire comprendre que l’établissement de barrages routiers comme mécanisme de règlement privé de différends contractuels entre personnes n’était pas une mesure appropriée et pouvait, en fait, être préjudiciable à la paix et à l’ordre auxquels ont droit les collectivités. Le juge a ajouté que la réaction à ses commentaires par des membres Autochtones qui étaient dans la salle d’audience a été très différente et que bon nombre d’entre eux ont exprimé leur reconnaissance à l’égard de ses interventions. Les transcriptions et enregistrements sonores n’ont pas corroboré non plus le point de vue des plaignants. Au contraire, le juge a été courtois, modéré, sensible et respectueux en tout temps. En prenant de brefs commentaires hors de leur contexte, les médias peuvent avoir exacerbé une situation qui autrement était inoffensive.

L’affaire est close.

-5-

Le Conseil a reçu de nombreuses plaintes relatives à la même affaire très médiatisée. Le Musée royal de l’Ontario avait organisé un procès fictif portant sur le « manifeste sur le carbone » de David Suzuki, à titre d’« exploration artistique du débat entourant les changements climatiques ». Au cours de ce procès fictif présidé par un juge, on devait entendre les arguments d’avocats et les témoignages d’experts. L’événement a fait l’objet d’une grande attention, surtout après qu’une personnalité bien connue dans les médias a critiqué publiquement l’événement comme étant de nature purement politique. Il a été avancé que la juge qui présidait le procès prenait part à une activité très partisane - qui pourrait donner lieu à une éventuelle crainte de partialité dans l’avenir si elle devait être appelée à trancher une question relative aux changements climatiques. De plus, on a fait valoir que le conjoint de la juge était un éminent avocat spécialiste des questions environnementales, ce qui remettait encore plus en doute la neutralité dont devait faire preuve la juge. En raison de toute l’attention médiatique, la juge a décidé d’annuler sa participation au procès. Toutefois, un autre juge a accepté de la remplacer. La décision du deuxième juge a aussi donné lieu à des lettres de plainte portant essentiellement sur les mêmes raisons : ce procès fictif était en réalité une tribune politique pour David Suzuki et d’autres activistes écologiques partageant les mêmes vues.

En examinant soigneusement cette affaire, le président du Comité sur la conduite des juges a tenu compte de la nécessité pour les juges de faire preuve de retenue et de prudence lorsqu’ils acceptent de prendre part à des activités conçues pour susciter un débat public. Les Principes de déontologie judiciaire du Conseil indiquent clairement aux juges qu’ils doivent éviter de participer à des activités publiques pouvant devenir des activités politiques, compromettre l’impartialité du juge sur des questions susceptibles d’être soumises aux tribunaux ou qui exposeraient le juge à des attaques de nature politique.

Toutefois, le président du Comité sur la conduite des juges a aussi accepté les affirmations des deux juges selon lesquelles ils croyaient sincèrement qu’ils participaient à une activité éducative et que leur rôle se limitait à donner des directives à un jury fictif le cas échéant. Ni l’un ni l’autre des juges n’a convenu qu’il s’agissait d’un événement de nature politique et ils ont tous deux rejeté entièrement l’affirmation selon laquelle l’événement était une activité politique déguisée en activité éducative. Dans d’autres commentaires portant sur l’événement, le juge en chef des juges visés a aussi souligné que l’une des fondations qui parrainait l’événement l’a décrit comme étant un projet visant à faire participer le public.

D’après leurs commentaires, il est clair que ces juges croyaient sincèrement qu’ils prenaient part à une activité de sensibilisation du public et que leur rôle en tant que juge serait minime. La motivation des deux juges quant à leur participation à l’événement était adéquate et ils croyaient que leur participation favoriserait la tenue d’un débat juste et transparent. La participation des juges à des procès fictifs n’est pas interdite. En fait, on encourage les juges à participer à des activités éducatives et à contribuer à une meilleure compréhension du système de justice du Canada. Dans le cas présent, les juges avaient pris des mesures pour s’assurer qu’il s’agissait d’un événement éducatif et équilibré. Les explications des juges ont été acceptées et il a été reconnu qu’ils avaient accepté de participer de bonne foi. Bien qu’il soit malheureux que l’événement ait été politisé, en partie en raison de l’attention médiatique qu’il a suscitée, il a été convenu que, compte tenu de toutes les circonstances, la participation des juges n’était pas déraisonnable.

05/Lettres types relatives au mandat

-1-

L’une des fonctions importantes du Conseil est d’informer les plaignants de l’étendue de ses pouvoirs en matière d’examen des questions relatives aux juges. Bien que les questions concernant la conduite des juges relèvent du mandat du Conseil, tel n’est pas le cas des plaintes portant sur les décisions judiciaires ou procédurales d’un juge. Chaque année, le Conseil reçoit de nombreuses lettres de citoyens qui sont en désaccord avec l’interprétation des faits, l’appréciation des témoignages et l’examen de la preuve du juge qui a entendu leur cause. Ils peuvent être en désaccord avec les constatations, les diverses décisions, procédurales ou autres, du juge, comme l’octroi d’un délai. Il arrive qu’ils écrivent au Conseil pour solliciter son intervention ou son aide afin qu’un nouveau juge entende leur affaire ou pour lui demander de les aider à transmettre certains renseignements directement à un juge en leur nom. Dans tous ces cas, le personnel de bureau du Conseil prend le temps de leur expliquer qu’il n’appartient pas au Conseil de commenter sur le caractère adéquat des décisions rendues par les juges. Lorsqu’un citoyen est d’avis que le juge a commis une erreur dans sa décision, le recours approprié est de soulever ces préoccupations devant le tribunal, habituellement en interjetant appel. La section ci-après est un exemple du genre de correspondance que reçoit le Conseil.

-2-

Dans une affaire en cours devant le tribunal de la famille concernant les soins et les droits de garde d’enfants, un homme a écrit au Conseil pour se plaindre du fait que le juge semble avoir favorisé le témoignage de son ex-épouse, laissant entendre que le juge avait été « manipulé » et trompé par la capacité de ses adversaires à « tirer avantage des sentiments du juge ». Dans sa réponse à ces inquiétudes, le personnel du Conseil a expliqué que l’une des principales fonctions d’un juge est d’examiner la preuve et les témoignages présentés par les parties et les témoins, et de rendre une décision quant à la crédibilité de cette preuve. C’est ce qui constitue l’essentiel de la prise de décisions judiciaires. Si une personne croit que le juge a mal interprété un témoignage, elle peut soulever ces préoccupations devant le tribunal. Il n’appartient pas au Conseil de commenter les décisions.

-3-

Le Conseil est aussi d’avis qu’il incombe au plaignant de présenter des renseignements crédibles et tangibles relativement à ses préoccupations et que les allégations vagues, sans plus de substance, peuvent ne pas suffire à lancer un processus d’examen. Par exemple, un citoyen a écrit au Conseil pour se plaindre que, dans le cadre de l’affaire relative à la garde de son enfant, [traduction] « l’évaluateur en matière de garde, l’avocat et le juge étaient de la même nationalité que le demandeur », ce qui l’a mené à soulever une allégation de « collusion » généralisée. En réponse à cette inquiétude, le personnel du Conseil a indiqué au plaignant qu’il devait présenter des renseignements plus précis pour appuyer une allégation aussi grave et que le simple fait de le dire n’était pas suffisant. D’autres plaignants écrivent au Conseil simplement pour indiquer qu’ils croient que leur juge a été « impoli » ou « arrogant », sans préciser ce qu’il a pu faire ou dire pour leur donner une telle impression. Encore une fois, le personnel du Conseil donnera au plaignant l’occasion de fournir des renseignements additionnels.

-4-

À l’occasion, le bureau du Conseil reçoit des lettres de personnes qui expriment des préoccupations générales à l’égard du système de justice et du système judiciaire du Canada. Ces lettres ne renferment pas de préoccupations précises concernant un juge en particulier, mais servent plutôt de tribune pour exprimer des griefs de nature générale. Habituellement, le Conseil répond à ces lettres en remerciant la personne d’avoir partagé son point de vue.

-5-

Certaines personnes se servent de leurs lettres pour faire part au Conseil de leurs inquiétudes concernant certains représentants ou organismes du système de justice; il s’agit souvent de policiers, d’avocats, de psychologues nommés par un tribunal de la famille ou d’autres organismes desservant les familles. Comme le pouvoir du Conseil ne s’étend qu’aux juges de nomination fédérale, nous les informons que nous ne sommes pas en mesure de mener des enquêtes sur ces autres organismes, mais pouvons les diriger, dans le mesure du possible, vers les ressources appropriées.

06/Plaintes irrationnelles ou qui constituent un abus manifeste de la procédure relative aux plaintes

Il arrive que des plaignants acceptent difficilement la décision rendue par le Conseil à l’égard de leurs préoccupations.

Ils peuvent demander un nouvel examen de leur plainte initiale. S’ils présentent de nouveaux renseignements ou des renseignements additionnels, il peut être justifié que le vice-président du Comité sur la conduite des juges qui a examiné l’affaire la première fois procède à un autre examen . Bien que cela ne soit pas fréquent, certaines personnes qui continuent d’écrire au Conseil semblent le faire dans l’intention de susciter un débat. Conformément à l’article 2.2 des Procédures de plainte du Conseil, le directeur exécutif n’ouvre pas de dossier dans le cas des plaintes qui, même si elles concernent un ou plusieurs juges de nomination fédérale, sont nettement irrationnelles ou constituent un abus manifeste de la procédure relative aux plaintes.

07/État des dépense

Année financière 2013-2014

1,111,007 $

Salaires et avantages sociaux

109,000 $

Transport et communications

23,500 $

Information

251,894 $

Services professionnels et spécialisés

10,000 $

Location

12,300 $

Achat de services de réparation et d’entretien

30,200 $

Services publics, fournitures et approvisionnements

45,000 $

Construction et acquisition de machines et de matériel

TOTAL

1,592,901 $